Comment s’est construit l’ilot centre-ville de Sèvres entre 1979 et 1983 ?

Un peu d’histoire ne fait jamais de mal.
Nous remercions Jean-Pierre Schaefer qui a documenté les éléments ci-dessous pour expliquer la construction de l’ilot grande-rue/marché couvert de Sèvres. Marché, qui contrairement à ce qu’explique la maire, n’a jamais été conçu pour être un parking !

 

• 1930 Étude élargissement de la Grande Rue, schéma de principe du futur axe, défini en 1932 pour alignement immeuble HBM
• 19/1/1942 arrêté d’insalubrité de l’ilot du Théâtre
• 1947 Élection de Charles-Jean Odic, maire de Sèvres
• 1958 Création de la SEMI-Sèvres
• 1958-1970 rénovation quartier Théâtre
• 1966 Construction de la Résidence du Colombier (Architecte Heckly et Grégoire)
• 1968 Construction du centre administratif cantonal (architecte ?)
• 1968 Construction de l’échangeur RN10 RN 407 (pont du 8 mai 1945)
• 1971 Projet urbanistique Josic
• 1971 Élection de Georges Lenormand, maire de Sèvres
• 1972- 1985 Rénovation Îlot Ville d’Avray
• 1977 Démarrage de la construction Danton Montespan
• 1978 Élection de Roger Fajnzylberg, maire de Sèvres
• 1/2/1979 Définition du principe rénovation ilot C7 (grande-rue, parvis église)
• 11/7/ 1979 Résultat du concours architecture
• 2/7/1980 Démarrage du chantier Parvis de Sèvres
• 1982 Livraison du marché et du parking
• 1983 Livraison des logements et commerces grande rue

 

Un sujet lancinant, quel cœur de ville ?

 

L’aménagement de ce cœur de ville, un thème récurrent évoqué en 1961 Bulletin municipal n°6 comme « un vaste espace piéton où l’on pourra flâner librement et sans danger » et en 1963 n°14 « Un cheminement vivant partira de l’église vers l’Ouest ».
Entre le centre administratif cantonal et l’immeuble à redents Grande rue, il est dégagé un espace qualifié de « nouvelle place centrale de Sèvres avec une largeur de 40m » (actuel square Odic).
L’espace délimité entre la Grande rue, l’Eglise et le square Odic est l’îlot C7 de la rénovation de Sèvres. Cet espace, après démolition du bâti, racheté par la SEMI est un parking informel, en contrebas de la Grande rue. La SEMI élabore un schéma d’aménagement avec un bâti traditionnel en front à rue sur la Grande Rue, sur deux niveaux de parking privé, un parking public sous un espace bâti pour le marché, lui-même sous une dalle publique.
L’objectif est de « créer le véritable cœur de la cité, avec notamment le marché à proximité de l’église Saint Romain qui sera dégagée et mise en valeur par une place piétonne, des commerces sous arcades bordant la grande Rue, un mail de promenade vers le centre administratif ». (Bulletin municipal n°36 février 1979)

 

Un terrain maitrisé par la SEMI, idéal pour un vrai projet urbain avec concours d’architecture

 

Lancement d’un concours d’architecture en mars 1979 sur cahier des charges de la SEMI. Sur le schéma de principe de 1979 sont portés en orange des espaces libres

 


• Un parvis à l’Est à côté de l’Eglise
• Une place côté Ouest
• Un bâti ouvert permettant un cheminement au centre menant de et vers l’Eglise
Selon M. Ledent DA de la SEMI
« la configuration du terrain montre la nécessité de créer de multiples raccourcis permettant des accès à partir de la Grande Rue en direction du plateau »
« Pour l’oxygène et la verdure, le mail est un petit square urbain permettant la liaison entre la Grande Rue et la rue des Caves (..) au carrefour de la rue de Ville d’Avray ». « La vue sur l’église sera dégagée et sera reliée à la dalle abritant le marché ».
Schéma de principe élaboré par la SEMI
• côté Grande rue une façade R+4 sur deux niveaux de parkings privés
• Côté Sud le marché sous une dalle accessible abritant des commerces et permettant le cheminement du mail vers le parvis de l’église
• Un parking public sous le marché 42 places


 Le projet et ses évolutions

 

Le résultat du concours est annoncé juillet 1979, avec 94 réponses dont 16 sélectionnés par un jury de 20 personnes qui attribue 14 voix pour le projet de Bernard Schoeller comprenant 31 (ou 35 ?) logements en accession, 58 places privées, 830 m2 commerces sous arcades, parking public 52 places et un marché « forain » (?). Le troisième prix est accordé à une équipe où figuraient J. Castex et Ph. Panerai.

L’architecte B. Schoeller (1929 – 2020) est célèbre pour avoir diffusé le modèle de piscine « Tournesol » entre 1970 et 1980.
Le promoteur privé SERCO choisi pour ce programme en accession libre semble être un promoteur indépendant de dimension modeste qui n’apparait pas comme membre de la fédération des promoteurs (en 1983) et qui sera mentionné en 1990 comme en liquidation.


Le projet initial indiqué sur la coupe dégageait fortement l’église.
• La photo de la maquette ne permet pas de visualiser le traitement de la dalle sur le marché.
• La structure porteuse du marché, très épaisse, semble vouloir éviter des piliers intermédiaires (?)
• Au vu du plan de coupe, la hauteur sous plafond du marché correspond au plancher des commerces calés sur le niveau de la Grande Rue.
• Le projet respecte un vaste parvis devant l’église, le bâti commençant à 35m de l’église

 



En avril 1981, il est fait état d’une évolution du programme avec accroissement du nombre de logements et un objectif de réduction des coûts du parking public (2,7 MF pour 1683 m2). Le projet reçoit une subvention du FAU et de la région. En juin 1982 le programme définitif est annoncé avec 41 logements, 57 place de parking privé, 910m2 de commerces (7 locaux sur Grande Rue) et 1200 m2 de marché. Le bâti avec les 3 ouvertures situées à droite (cf. photo) semble correspondre à un accroissement destiné à l’équilibre financier avec environ 6 logements en plus.

 

 

Réalisé décembre 1983


Côté Est, le Parvis de Sèvres se prolonge jusqu’au droit de l’escalier, soit 10m d’éloignement par rapport à la façade de l’église : elle n’est pas « dégagée » de 35 m comme évoqué en 1979 et dans la vue en profil du projet initial
Le passage vers l’Ouest existe avec un effet visuel « d’entonnoir » sans donner l’impression de déboucher sur ce qui été annoncé comme un « mail ».

 


En effet la partie du bâti décroché à l’Ouest est articulée différemment dans la réalité par rapport au plan initial : l’espace est occupé par un local commercial (ex supérette)
• le réalisé ne permet pas d’autre cheminement vers l’Est qu’un passage peu lisible
• Le raccordement au niveau bas est assuré par un escalier et une rampe contournant le plot Ouest de la Résidence le Parvis de Sèvres. Ce plot intègre une descente vers le marché.
La promenade Ouest-Est vers l’église annoncé en 1979 n’existe pas puisque le bâti du marché oblige à un trajet en baïonnette tandis que le cheminement au raz de la résidence n’est pas agréable :
• Par rapport à la maquette initiale, la différence de niveau du trajet au sol et de la dalle haute au-dessus du marché est dans la réalité ressentie comme élevée,
• Le marché, ouvert uniquement Sud, était initialement fermé côté Eglise,
• On ne comprend pas quel était le traitement « urbain » prévu pour la dalle,
• L’accès au parking public se fait par la descente principale voiture, à 3 voies, les deux escaliers d’accès ambiance « trash punk » sont à l’abandon depuis une quinzaine d’année.

 

 

Conclusion


Ce rappel historique incite à considérer que, partant d’une idée globale intéressante,
• avec un front à rue de qualité côté Grande Rue et des proportions urbaines
La réalisation réelle a dérivé
• côté Eglise, un parvis restreint avec un bâti plus long et plus resserré,
• pas de « mail » ouest, mais une placette urbaine (place 11 novembre)
• côté marché une construction massive, opaque aux lourds piliers
• Absence de traitement de la partie supérieure du marché (sauf square enfants réalisé ver 2010) avec accès étroit et restreint.
Globalement l’ensemble ne réalise en aucune façon l’ambition initiale d’un « cœur de ville agréable avec cheminement possible Est Ouest comme Nord Sud »
Le marché fonctionne comme un espace animé 25 heures /semaine, le reste du temps il s’agit d’une masse fermée et opaque. L’absence d’éclairage public (janvier 2024) renforce cette impression d’opacité à la nuit tombée.

 

Sources documentaires


• Bulletin municipal 1979-1983
• La Semaine Sévrienne hebdomadaire (section PC locale)
• Comptes rendus du Conseil municipal 1977-1983
• La rénovation du Centre Sèvres documentaire 1998 Archives de Sèvres (vidéo 45mn)
https://www.youtube.com/watch?v=0BfRie5VZP4&ab_channel=sevres.fr
• Radiographie d’une rénovation urbaine 1950-1975 J-C Boyer 1981
• Blog Luc Blanchard « Rénovation ilot de Ville d’Avray » 1970-1990
• Annuaire Promoteurs FNPC Edition 1983

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