L'extension de l'ouverture des grandes surfaces le dimanche : une réforme inefficace

En pleine crise économique et sociale, la droite poursuit la déréglementation du droit social. Après l'annonce dans les Ardennes de l'extension des contrats précaires, après le vote en catimini d'un amendement ouvrant la voie à  la retraite à  70 ans, le Président de la République s'attaque aujourd'hui au travail dominical, qu'il veut étendre. C'est ainsi qu'à  sa demande, une proposition de loi a été inscrite à  l'ordre du jour en juillet dernier. Retirée puis réinscrite à  plusieurs reprises du fait des atermoiements de l'UMP, le débat au Parlement sur le travail le dimanche est momentanément ajourné. Il reviendra, et le PS doit profiter de ce délai pour affiner sa position. Cette note veut contribuer à  cette réflexion.

Le travail dominical reste indispensable dans certains domaines, services publics ou commerces : la santé (hôpitaux), les transports en commun, l'énergie, le commerce de bouche ou de proximité, la culture (musées, théà¢tres, cinémas, cirques, bibliothèques, librairies), la sécurité (police, pompiers€¦) Or dans la plupart de ces secteurs, la réglementation est floue, insuffisante, voire absente. C'est le cas dans les fonctions publiques (Etat, collectivités territoriales, hôpitaux), qui forment une grande partie des services concernés.
Le Parti socialiste s'oppose avec force à  une extension du travail du dimanche à  la grande distribution, inefficace économiquement, dangereuse pour les salariés et néfaste pour la vie sociale, mais il propose un encadrement beaucoup plus strict dans les domaines o๠il reste nécessaire

1 - Une réforme inefficace économiquement
Personne ne croit à  une quelconque relance de la consommation en généralisant le travail dominical. C'est le pouvoir d'achat qui génère la croissance, et celui-ci est d'abord commandé par les salaires. Une étude de l'OFCE sur le cas allemand montre que l'ouverture des magasins le dimanche n'a modifié ni les comportements de consommation, ni les comportements d'épargne.
Au contraire, la généralisation du travail dominical détruirait de l'emploi , en pénalisant les petits commerces qui emploient à  chiffre d'affaires égal, trois fois plus de salariés que dans les grandes surfaces : seules les grandes enseignes auraient en réalité les moyens financiers et humains de faire travailler ainsi leurs salariés, ce qui créerait une situation de concurrence déloyale très défavorable aux petits commerçants et aux artisans. De l'avis d'une majorité d'experts et des organisations syndicales et patronales représentant les PME et les petites entreprises, ce sont des dizaines de milliers d'emplois qui seraient ainsi menacés dans le petit commerce.
L'ouverture des commerces le dimanche, c'est donc paradoxalement la certitude d'une augmentation des prix . Les surcoà»ts des charges fixes et les éventuelles majorations de salaires seraient évalués à  4 ou 5% pour tous les consommateurs, y compris ceux achetant en semaine. Ouvrir un dimanche coà»te trois fois plus cher qu'ouvrir un jour de semaine à  cause des charges salariales, des frais de communication, ou des charges de fournisseurs augmentées par les prestations dominicales. Il faut cependant mettre en place une réglementation qui fasse que les salariés des commerces et des services qui sont ouverts le dimanche, ou qui en font le choix, soient enfin rémunérés de manière équitable : le dimanche « compte double » dans de nombreux domaines, il faut généraliser cette règle.
L'extension du travail du dimanche est également une aberration sur le plan environnemental. Après l'adoption du Grenelle de l'environnement, la course à  la consommation suscitée et non raisonnée est malvenue. Au contraire, chauffer, éclairer, climatiser, transporter produits et consommateurs un jour de plus, est évidemment générateur de surconsommation d'énergie et producteur de CO2. Nulle évaluation de ces sujets n'a été produite. Des commerces d'ameublement ont cessé d'ouvrir le dimanche au vu des coà»ts générés, et des accords locaux se multiplient pour fermer simultanément dans des départements entiers.

2 - Une réforme dangereuse pour les salariés
Le discours sur le volontariat des salariés est inacceptable. Dans le secteur, le taux de syndicalisation est de l'ordre de 2% et montre l'impossibilité de la vérification du volontariat. Particulièrement en période de crise économique, la subordination du salarié à  son employeur est évidente et les éventuels chantages à  l'emploi réduisent à  néant toute liberté de choix des salariés, notamment au moment de l'embauche.
Elle l'est encore plus dans ce secteur du commerce qui cumule emplois précaires, saisonniers, à  temps partiel, peu qualifiés et très féminisés. L'idée trop largement répandue d'un salaire doublé le dimanche est fausse et les majorations de salaire sont parfois inexistantes, variables selon les cas, atteignent rarement 100 % et vont au-delà  exceptionnellement. Le projet de loi doit prévoir une généralisation de la majoration. Les socialistes réclament donc l'instauration systématique de la règle du salaire doublé, y compris dans la fonction publique.

3 - Un choix de société que nous récusons
Si la loi instaurant le repos dominical remonte à  1906, elle trouve ses fondements dans un droit conçu d'abord pour les plus modestes et a traversé le temps simplement parce qu'elle est juste. La vie s'est organisée pour que les associations, le sport, la culture, la famille, entre autres trouvent leur espace-temps le plus souvent le dimanche. Ce jour n'est pas comme les autres et ne saurait le devenir.
Le travail le dimanche, étendu au service de quelques intérêts particuliers, hors des secteurs o๠il reste indispensable, pénalisera d'abord les femmes, souvent les plus concernées. Il tuera le petit commerce au profit des grandes surfaces. Il pénalisera le lien social, déjà  fragile particulièrement dans les grandes agglomérations visées. Il consacre un modèle de société centré sur le « Dieu consommation », et l'épanouissement individuel ne se résume pas à  la satisfaction du besoin de consommer.
Cependant, reconnaissant la nécessité du travail du dimanche dans les domaines o๠il est indispensable et traditionnel (santé, transports, énergie, commerce de proximité, culture, sécurité) nous réclamons pour tous les salariés concernés une juste compensation de la péniblilité ainsi reconnue.

4 - Mener la bataille d'opinion
Nous ne sommes pas seuls dans la défense du repos dominical.
Toutes les organisations de salariés sont contre. Les syndicats de salariés (CGC, UNSA, CFDT, CGT, CFTC, FO€¦) sont contre toute déréglementation du travail dominical et pointent du doigt les répercussions néfastes que cela pourrait avoir sur l'économie et la société française. Dans la même veine, les associations familiales (UNAF). Notons également les institutions religieuses ont souligné leur opposition à  une extension du travail le dimanche, mais il n'appartient pas à  un état laà¯c de faire droit à  leurs propositions en la matière.
La plupart des organisations patronales sont contre. La grande distribution, pourtant « gagnante » avec un tel projet, est elle-même, loin d'être enthousiaste sur le sujet : « Nous n'avons pas besoin d'ouvrir le dimanche, il n'y a pas de demande », constatait le Directeur d'une grande marque de distribution française. L'Union Professionnelle Artisanale (UPA), la Fédération Nationale de l'Habillement (FNH), la confédération de l'alimentation en détail (CGAD) ou encore la Confédération Générale des Petites et Moyennes Entreprises (CGPME) : toutes analysent l'ouverture des commerces le dimanche comme destructrice d'emplois.
S'agissant du grand public, une bataille d'opinion, à  grand renfort de sondages, est clairement engagée. Nous devons y prendre toute notre part, c'est notre meilleure arme pour faire reculer le gouvernement. Car si les français sont favorables en tant que consommateurs €“comment en serait-il autrement-, ils sont majoritairement défavorables en tant que salariés. Ainsi, un récent rapport du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Crédoc), qui relativise une nouvelle fois l'intérêt de l'ouverture des commerces le dimanche : une enquête réalisée en septembre 2008 montre que 52% des personnes interrogées sont pour une ouverture des magasins le dimanche ; 61% refusent de travailler ce jour-là  ; et les personnes qui ont des proches travaillant dans le commerce sont opposées à  l'assouplissement€¦

Le Parti socialiste veillera à  ce que les salariés du dimanche dans les domaines o๠il reste indispensable soient l'objet d'une reconnaissance sociale de la part de l'opinion comme des employeurs, publics ou privés, et s'emploiera à  faire reconnaître leurs droits

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