L'identité nationale enfouie sous la vulgarité
L’idée de réfléchir à la relation des citoyens français à l’histoire et à l’identité de leur pays ne me semble pas absurde et encore moins scandaleuse. Disons même que ce débat a été esquivé alors que l’histoire bouleversait les conditions d’exercice de la souveraineté nationale.
Les critères qui définissaient une nation souveraine au début du vingtième siècle ne s’appliquent plus à la France, ni à aucun autre pays européen. Nous pouvions, dans ces conditions, rêver d’un grand débat national, où l’on aurait vu, par exemple, les citoyens et leurs représentants réfléchir à l’avenir de notre conception républicaine de la souveraineté populaire au sein de l’Union Européenne. L’identité de la France n’est plus celle d’un pays enserré dans ses propres frontières, contraint d’assurer sa défense face à un voisin agressif.
Or, au bout de plus d’un demi-siècle de construction européenne et vingt ans après la réunification du Vieux Continent, Nicolas Sarkozy nous lance dans un débat qui, faisant fi des nouvelles conditions d’exercice de la souveraineté, se focalise sur l’intégration des populations les plus récentes. Comme si la question de l’identité nationale se résumait au face à face de deux catégories de Français, les anciens et ceux que l’on appelle, fort étrangement, les jeunes issus de l’immigration ! Comme si le problème de l’identité renouvelée de la France n’était pas celui de tout le peuple souverain, confronté au partage européen de sa souveraineté. Le débat aurait une autre allure s’il s’agissait de définir la nation en Europe, à l’heure de la mondialisation !
En vérité nous sommes réduits à ce face à face malsain, parce que la droite n’a eu de cesse de réduire les fondements d’une identité nationale, républicaine et laïque, au profit d’un paternalisme condescendant. Nicolas Sarkozy, avant de lancer ce simulacre de débat sur l’identité nationale, était allé jusqu’à proposer de modifier le préambule de la Constitution pour rendre possible la discrimination dite positive. Autrement dit, il entendait traiter une partie des Français selon leurs supposées différences, en décrétant avec arrogance que nos principes égalitaires ont vécu et en imputant à l’école publique les échecs de l’intégration. L’égalité, principe français fondé par l’immigré suisse Rousseau, est, pour lui, une idée obsolète. Sarkozy ne peut mener une politique d’intégration à la culture républicaine qui n’est pas la sienne. Il passe donc d’une valorisation paternaliste et coloniale des bons enfants de l’immigration à la diabolisation des mauvais, ceux qui portent la casquette à l’envers, selon l’expression d’une secrétaire d’Etat. Le grand débat annoncé ne pouvait avoir lieu. Il s’est enfoncé dans la vulgarité la plus sinistre sur fond de manœuvre électorale. La question de la nation et de ses composants demeure. Pour la gauche, il serait pour le moins suicidaire de l’esquiver en prétextant l’effet repoussoir du faux débat de Nicolas Sarkozy.
Pour voir la video de la conférence débat de Guy Konopnicki à propos de son livre : la banalité du bien, contre le culte des différence, aller à http://www.sevres-debats.net/