Faites ce que je dis mais faites pas ce que je fais ...
Dans un système basé sur la compétitivité prix ( concurrence), par opposition à la compétitivité hors prix ( qualité), la variable clé pour réussir à créer du bénéfice ( chiffres d'affaires - coûts) est le coût du fait notamment de la forte intensité concurrentielle.Ce qui empêche l'entreprise de jouer sur la variable prix et donc le chiffre d'affaires ( prix * quantités).Dans une zone de monnaie unique à plusieurs entités juridiques et économiques, en l'absence d'harmonisation fiscale et sans modèle social commun, ces coûts sont les salaires, la fiscalité et les charges sociales.
Pour pouvoir donc exporter dans cette zone à monnaie unique, il faut abaisser ces coûts (salaires, fiscalité et protection sociale) quitte à comprimer la demande intérieure.Baisser la fiscalité et les charges sociales appellent soit à une redéfinition du modèle social ( privatisation de prestations normalement prises en charges par la collectivité ) ou à un transfert de fiscalité des entreprises vers d 'autres catégories ( consommateurs via la TVA demain peut être la TVA sociale, ménages via la montée en force de l'impôt sur le revenu).
Reste les salaires, pour maitriser les salaires, il faut contrôler les charges des ménages. En effet, si les charges augmentent trop, les salariés par un effet de second tour exerceront une pression sur les entreprises pour connaitre des augmentations de salaires.Ce qui cassera la dynamique désinflationniste et cassera l'avantage concurrentiel de l'entreprise. Si ces charges de ménages proviennent essentiellement de pays hors zone euro ( alimentation, produits finis, essence), il est essentiel d'avoir une monnaie forte pour amortir les chocs inflationnistes hors zone.
Quid maintenant de l 'exportation hors zone monétaire où la devise redevient une variable d'ajustement? Dans ce cas là, la compétitivité ne se retrouve pas améliorée puisque la monnaie est forte et surévaluée par rapport aux devises étrangères.
Conclusion: Pour réussir dans un régime de monnaie unique avec monnaie forte, il faut exporter dans la zone unique et importer hors zone. Mais si un pays exporte dans la zone, ça veut dire qu'un autre pays importe, et il se retrouve lui dans un cercle d'incompatibilité ne pouvant plus exporter hors zone du fait de la monnaie forte.
Comment exporter avec une monnaie faible ? Là, il s'agit de l'exact opposé, il faut exporter hors zone euro et importer dans la zone euro, la monnaie redevenant une variable d'ajustement.
Il y a donc deux visions différentes; chacune dépendante de la monnaie selon que l'on soit en monnaie forte ou en monnaie faible.Deux visions, qui débordent largement sur le champ politique, le but ultime étant d'avoir la main sur la variable monétaire.
Cette zone, bien évidemment c'est la zone euro et ce pays dominant c'est l'Allemagne.A l'heure où tous les pays sont tentés de copier le modèle allemand, cet exemple montre que l’Allemagne ne peut pas être un modèle car il s'agit d'un jeu à somme nulle.Ses excédents constituant les déficits des autres pays de la zone euro.
En le copiant, non seulement la demande interne sera comprimée mais les effets positifs initiaux annulés, chaque pays rentrant dans une compétition par le bas ( entre eux ) en jetant en l'air le modèle social. Il y a un parallèle évident avec les dévaluations monétaires successives des années 50 aux années 80, quand chaque pays dévaluait l'un par rapport à l'autre.Là, devant l'incapacité de dévaluer la variable monétaire, le cas est symétrique, chaque pays dévalue son modèle social ( salaires, fiscalité, charges sociales) sans que personne en retire de bénéfices économiques, l'avantage concurrentiel étant perpétuellement déplacé vers les bas. Et que dire alors du modèle social ?
La parabole de l'Allemagne,c'est celle d'un double paradoxe : si tout le monde copie le modèle allemand tout le monde sera perdant y compris l' Allemagne ; en laissant le modèle tel quel l’Allemagne est gagnante économiquement au dépend à la fois de son modèle social rhénan qui avait fait toute sa spécificité et des autres pays de la zone euro.
Ce paradoxe amène à une interrogation : l'Allemagne veut elle qu'on la copie ?